Avez-vous remarqué qu’on entend beaucoup plus parler de tiques, en Estrie, qu’il y a 20 ans? En effet, le réchauffement climatique a permis, au cours des dernières années, à ces petites bestioles de migrer de plus en plus au nord. Et, comme les tiques peuvent transmettre des maladies aux humains, il s’agit d’un enjeu de santé publique. Ceci n’est qu’un exemple des nombreux liens entre les changements climatiques et la santé publique.

Entrevue avec Isabelle Samson, directrice de la santé publique…


Isabelle Samson a commencé sa carrière comme médecin de famille à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest.

Elle a aussi travaillé comme omnipraticienne en médecine d’urgence préhospitalière et comme « médecin dépanneur » (médecin qui remplace ou qui aide ponctuellement dans les régions en manque de ressources) un peu partout dans le nord du Québec.

Ces six années d’expériences variées ont grandement inspiré la suite de sa carrière.

Isabelle, vous êtes directrice de la santé publique au CIUSSS de l’Estrie – CHUS depuis presque deux ans. Pour vous, les changements climatiques sont la priorité numéro 1 de la santé publique. Expliquez-nous pourquoi.

En Estrie comme ailleurs, les changements climatiques sont une très grande menace à la santé. Évidemment, la santé publique ne peut que très modestement atténuer ces changements. Toutefois, elle peut contribuer à réduire les impacts sur la santé des gens.

Comment? Grâce à la sensibilisation et à la prévention, tout en se préparant à gérer des urgences de météo extrême, nous nous rendons tous moins vulnérables.

Donnez-nous des exemples de problèmes de santé qui peuvent être liés aux changements climatiques.

Les changements climatiques, qui incluent le réchauffement du climat, ont de nombreuses répercussions sur la santé, par exemple une augmentation des maladies causées par des insectes, une aggravation des allergies et des maladies respiratoires à cause d’une détérioration de la qualité de l’air.

On pourrait aussi observer des infections liées à une mauvaise qualité de l’eau causée par des grandes pluies et des surverses, des épuisements et des coups de chaleurs, même des décès… Tout cela générant aussi de l’écoanxiété qui rend les personnes moins fonctionnelles au quotidien.

Une femme avec ;es cheveux bruns aux épaules et un chandail noir et blanc.

Isabelle Samson, directrice de la santé publique en Estrie

Concrètement, quelles sont les actions de la santé publique pouvant contribuer à réduire les impacts des changements climatiques sur la santé des gens?

Nous informons nos partenaires internes et des acteurs de la région, comme les municipalités et les organismes communautaires. Nous les avisons des risques climatiques (chaleurs extrêmes, froids intenses, inondations…) et des facteurs de vulnérabilité propres au territoire estrien. Entre autres, selon le phénomène climatique, certaines populations seront davantage exposées, seront plus sensibles aux effets et auront parfois moins de capacité d’adaptation. Nous ciblons alors les populations prioritaires pour la prévention et l’intervention.

Nous nous adressons également à la population pour la sensibiliser sur différents thèmes, comme les risques liés aux piqûres de tiques ou aux températures extrêmes.

Par le biais d’outils de communication (réseaux sociaux, avis médias, trousses d’information…), nous donnons aux gens des conseils de prévention et nous les informons des ressources en cas de besoin.

Vous soulignez aussi des initiatives qui ont des impacts positifs?

Oui, nous soulignons plusieurs initiatives où l’action s’avère bénéfique sur trois fronts pour réussir notre adaptation aux changements climatiques. L’action doit être bonne pour l’environnement, bonne pour la santé et utile pour réduire les inégalités sociales de santé.

Pensons au transport actif et en commun :

  • il réduit les gaz à effet de serre (bon pour l’environnement),
  • il augmente l’activité physique (bon pour la santé),
  • et il est accessible à plus faible coût (utile pour réduire les inégalités sociales).

Le verdissement de nos quartiers a également de nombreuses vertus : il améliore l’environnement, protège lors d’épisodes de chaleur accablante, favorise les saines habitudes de vie et la santé psychologique, en plus de créer des milieux propices aux interactions sociales.

Les changements climatiques sont le thème qu’Isabelle a retenu pour son premier rapport à titre de directrice de santé publique. Ainsi, elle et son équipe ont publié, en juin 2023, Changements climatiques – Agissons pour des communautés en santé.

Le 9 février dernier, des partenaires ont choisi ce thème pour le Rendez-vous climat 2024, événement tenu en collaboration avec la Direction de santé publique de l’Estrie.

Par ailleurs, « renforcer la résilience des personnes et de l’organisation pour s’adapter aux effets des changements climatiques » fait partie des objectifs stratégiques de notre organisation.

Isabelle, en terminant, quel est votre plus grand souhait pour les années à venir?

Il faut réussir une transition juste pour notre santé, pour celle de la planète et pour une plus grande équité sociale.

Nous devons réussir la transition socioécologique, dans le respect des limites de notre planète  (p. ex. acidification des océans, utilisation de l’eau, érosion de la biodiversité…), mais également en tenant compte  des besoins sociaux de base (p. ex. alimentation, paix et justice, éducation…).

C’est dans ces conditions que nous pouvons aspirer à une santé durable.

 

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