Faire du bénévolat, pourquoi pas? Mais dans le secteur des soins palliatifs? Le choix peut sembler surprenant pour certains… Pourtant, pour Lyliane Jolly, il n’y a jamais eu d’hésitation.
Projet de retraite : écouter les gens
Après une carrière diversifiée au cours de laquelle elle a été bergère, conseillère en publicité puis en préarrangements funéraires, Lyliane a été prise au dépourvu lors de sa retraite. Elle a réalisé qu’elle avait besoin de continuer à écouter les gens, comme elle l’avait toujours fait.
Ainsi, une fois par semaine depuis 2016, elle se rend en tant que bénévole auprès des personnes qui reçoivent des soins palliatifs à l’Hôtel-Dieu de Sherbrooke. Quand elle arrive au 6e étage, elle se rend au poste infirmier, où on lui indique les usagers à visiter ce jour-là. Puis, elle consulte le petit carnet que se partagent les bénévoles de ce secteur. Chaque usager y a sa page.
Les soins palliatifs forment l’ensemble des soins dispensés aux personnes atteintes d’une maladie qui limite la durée de leur vie, quel que soit leur âge. Sans hâter ni retarder la mort, l’objectif de ces soins est d’offrir, pour les personnes et leurs proches, la meilleure qualité de vie possible et le soutien nécessaire.
Un petit carnet qui a de grands bienfaits
Dans ce carnet, les bénévoles consignent méticuleusement le nom des personnes qu’ils ont accompagnées, les sujets dont ils ont discuté, ceux qui ont particulièrement plu aux usagers, et ceux qu’il vaut mieux éviter. Certains bénévoles y inscrivent qu’ils ont prié, chanté ou même dansé avec la personne malade. Ils prennent aussi en note des détails qui peuvent sembler anodins à première vue, mais qui sont loin de l’être. Grâce à ce carnet, le prochain bénévole est préparé à sa visite, prêt à accompagner la personne dans le respect et la complicité.
Ce carnet, c’est l’idée de Lyliane. Pour elle, chaque instant passé auprès des personnes en fin de vie est unique et précieux. Elle veut que dans leurs derniers moments, les personnes se sentent confortables et en sécurité.
Donc, après avoir pris connaissance des notes de ses comparses, elle se dirige vers les chambres, ne sachant pas toujours qui elle ira visiter cette journée-là. Si certaines personnes sont enclines à la recevoir, d’autres ont certaines réserves; après tout, c’est une inconnue.
Toutefois, Lyliane a ce don de ressentir les choses. Il est donc arrivé plus d’une fois qu’elle entre dans la chambre d’une personne, comme si on l’y avait guidée, et que des échanges inattendus aient lieu.
Lyliane Jolly, bénévole
Des expériences qui laissent des souvenirs marquants
« Il y a des personnes qui nous touchent, qu’on n’oubliera jamais. Un jour, alors que je passais dans le couloir, je me suis sentie attirée vers une chambre dont la porte était entrouverte. Pourtant, je n’avais pas prévu aller dans cette chambre. Un homme était assis et naviguait sur sa tablette, auprès d’une femme qui était alitée. Je suis entrée, avec son accord, et je lui ai demandé de me parler de cette femme, qui était son épouse. Pendant 30 minutes, il m’a parlé d’elle avec beaucoup d’amour et de tendresse. Il m’a parlé de leurs carrières. Il m’a conté des anecdotes qu’ils avaient vécues ensemble. Puis un infirmier est arrivé et j’en ai profité pour partir. Je savais que la femme était décédée. Quelques minutes plus tard, l’homme est venu me serrer dans ses bras et m’a murmuré “Grâce à vous, ma femme est décédée pendant que je parlais d’elle”. Il ne se serait jamais pardonné que sa femme ait rendu son dernier souffle alors qu’il avait les yeux rivés à son écran. Ça m’a fait le plus grand bien, à moi aussi. »
Oublier qui on est, pour mieux accompagner
Aux soins palliatifs, quand une personne bénévole entre dans une chambre, elle doit se déconnecter, oublier complètement qui elle est et faire abstraction de ses propres valeurs et croyances, selon Lyliane. C’est ainsi que les personnes malades peuvent se sentir à l’aise, alors que la personne qui les écoute est totalement sans jugement, dans le moment présent. Avec beaucoup d’écoute, de gentillesse et de curiosité, les bénévoles gagnent leur confiance.
« Les histoires que j’entends me fascinent. Il y a tellement d’authenticité et de pureté pendant ces moments, ça me nourrit énormément. On m’a demandé pourquoi je n’avais pas choisi d’aller bercer des bébés. C’est simple : j’ai besoin qu’on me parle de la vie, je veux qu’on m’explique, qu’on me raconte des choses! »
Parfois, Lyliane discute plutôt avec les proches des personnes malades. Souvent, ceux-ci lui expliquent qu’ils ne savent pas quoi dire à leur être aimé mourant. À cela, elle leur répond « Quand il allait bien, vous parliez de quoi? Faites comme d’habitude. » C’est la différence entre un bénévole et la famille. Les proches, ils voient la personne qui va mourir. Les bénévoles, selon elle, voient plutôt la personne vivante.
Le bénévolat, c’est ne rien attendre
Le soir, Lyliane s’endort en étant sereine, car elle sait que grâce à sa présence, son écoute ou ses petits gestes, quelqu’un a souri aujourd’hui.
« Nous, les bénévoles aux soins palliatifs, on ne va pas chercher quelque chose de précis ni de réponses, mais nous sommes toujours comblés par ce que nous découvrirons. Si vous souhaitez faire du bénévolat, ne le faites pas seulement dans le but d’en tirer des bénéfices, mais sachez que vous en tirerez beaucoup et qu’ils seront différents tous les jours. »
En savoir plus sur le bénévolat
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Photo d’en-tête : Lyliane Jolly